Massacre au Mali

C’est l’attaque la plus meurtrière de l’histoire récente du Mali. Samedi 23 mars, des milices de chasseurs présumés dogons sont suspectés d’avoir tué 160 personnes dans un village du centre du pays. « Le nouveau bilan est de 160 morts et il sera probablement plus lourd encore », a déclaré à l’AFP Amadou Diallo, conseiller municipal de Bankass, principale localité de cette zone située près de la frontière avec le Burkina Faso. Il a dénoncé « une épuration ethnique ». Le président Ibrahim Boubacar Keïta s’est rendu lundi 25 mars à Ogossagou-Peul, où il a promis la sécurité et la paix. « Il faut la sécurité ici, c’est votre mission », a déclaré le président malien à l’adresse du nouveau chef d’état-major, le général Aboulaye Coulibaly, qui l’accompagnait lors de cette visite. Skip in 2 s Le général Coulibaly a été nommé dimanche dans la foulée du limogeage des principaux chefs de l’armée lors d’un conseil des ministres extraordinaire au cours duquel le gouvernement a prononcé la dissolution du groupe de chasseurs dogons « Dan Nan Ambassagou ». « La dissolution des milices d’autodéfense est une bonne chose mais cela reste largement insuffisant », estime André Bourgeot, chercheur émérite au CNRS et spécialiste de la région. « Il faut également les désarmer sinon cela ne servira pas à grand-chose. » « Cette violence s’inscrit dans la continuité d’une absence de sécurité sur le territoire malien » Depuis l’apparition il y a quatre ans dans le centre du Mali du groupe jihadiste du prédicateur Amadou Koufa,recrutant prioritairement parmi les Peuls, traditionnellement éleveurs, les affrontements se multiplient entre cette communauté et les ethnies bambara et dogon, pratiquant essentiellement l’agriculture, qui ont créé leurs propres « groupes d’autodéfense ». « Cette violence s’inscrit dans la continuité d’une absence de sécurité sur le territoire malien », explique André Bourgeot. « L’État est complètement absent de certains territoires du Mali central depuis un ou deux ans et c’est la porte ouverte à tous les abus et les amalgames. C’est la porte ouverte au banditisme et au crime organisé. » Amadou Diallo, le conseiller municipal de Bankass, affirme que l’attaque du village peul relève de l' »épuration ethnique ». André Bourgeot tend à nuancer cette affirmation, même s’il concède que ces derniers sont victimes de préjugés hérités de l’histoire récente du Mali. « Le Mujao [Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest, ayant sévi entre 2011 et 2013, NDLR] était constitué majoritairement de Peuls. C’est resté dans la mémoire collective et cela déclenche une hostilité particulière », détaille le chercheur. « Aujourd’hui, il faut ajouter à cela les propos du prédicateur peul Koufa. L’amalgame se fait entre lui et le Mujao. On parle des Peuls comme s’ils étaient tous jihadistes. Ce qui conduit à des exactions sur cette ethnie, de la part même de certains militaires maliens. » Le spécialiste du Mali rappelle également que cette attaque, initialement présentée comme celle de chasseurs dogons, n’est pas forcément un conflit ethnique : « Les chasseurs sont une confrérie, certes à majorité dogon, mais pas une ethnie », nuance-t-il. « Dans ces groupes de chasseurs, il y a aussi des gens qui viennent de l’extérieur. Selon des témoignages de responsables peuls, il y avait des gens qui ne parlaient pas français, probablement des mercenaires. N’importe qui peut revêtir un uniforme de chasseur et puis ensuite on parle des Dogons. » « Si on additionne tout cela, l’absence de l’État, le banditisme et le jihadisme assimilé aux Peuls, on a une série d’amalgames qui fait croire à une origine ethnique au problème alors que cela ne l’est pas du tout », conclut André Bourgeot.